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Voyager dans le Verdon

Le village abandonné de Châteauneuf-les-Moustiers

Ce jour-là, la météo ne nous est pas favorable, le ciel est menaçant mais il ne nous décourage pas. Un bon petit déjeuner au camping le Clos de Barbey, le temps de préparer et d’emballer nos sandwichs et toute la petite famille est prête pour une sortie découverte : le village abandonné de Châteauneuf-Lès-Moustier dans les Alpes de Haute-Provence. Son histoire nous avait interpellé quelques jours plus tôt en préparant le voyage dans le Verdon. Comment ce village aujourd’hui perdu au milieu de nulle part avait-il pu s’éteindre et passer de 600 habitants au début du XIXe siècle à 0 quand le dernier habitant, une veuve, le quitta en 1932 ?

Aux alentours

Le village de Châteauneuf-les-Moustiers

Perché à plus de 1000 mètres d’altitude, le village dominé par son église et son château pendant des siècles tombe aujourd’hui en ruine, témoin chancelant du passé rural de la région au début du XXe siècle. La vie y était dure et avait fait fuir une bonne partie de sa population avant que la première guerre mondiale ne vienne donner le coup de grâce en emportant avec elle 19 jeunes hommes.
Pour se rendre au village, il faut prendre la route des crêtes surplombant les célèbres Gorges du Verdon, passer le village de la Palud-sur-Verdon et suivre une petite route sinueuse, la D123, sur un peu plus de 5 km.

Noyé dans une végétation abondante contrastant fortement avec les images des vieilles cartes postales, le village domine toujours discrètement la vallée que la forteresse venait fermer au Moyen-Âge. Un parking vous accueille au pied de la colline encore entouré de quelques fermes. Le sentier, sans grande difficulté est celui qu’empruntaient les villageois tous les jours pour remonter chez eux après de longues journées à travailler dans les champs. Bordé de quelques arbres centenaires le chemin dévoile doucement les premiers pans de mur du vieux village. Quelques gouttes de pluies viennent nous rappellent que l’orage n’est pas loin.

Au coeur du village abandonné de Châteauneuf-les-Moustiers

Tout est là, le vieux cimetière, l’église chancelante du XVIIIème siècle, les murs du château neuf construit au XIVème siècle et les ruines du village à ses pieds. Bien sûr, il faut un peu d’imagination mais la mémoire de la vie présente ici pendant des siècles n’a pas complètement quitté les lieux. Les tombes sur lesquelles les noms s’effacent lentement, la pierre taillée, les maisons, sont autant de témoins murmurant leurs histoires à ceux qui veulent bien prendre le temps de les écouter.
Du cimetière, nous prenons la direction de l’église Saint-Pons en ruine dont l’abside est en sursis depuis sa consolidation en 2012. Une première église, dont il ne reste presque rien, est mentionnée dans la bulle de confirmation des églises dépendant de l'abbaye de Montmajour en 1204.
À travers une anecdote tragique relevée en 1819, plongeons-nous un court instant dans la vie du village de Châteauneuf-les-Moustiers. Cette anecdote se trouve dans un extrait du " Traité de géographie et de statistique médicales et des maladies endémiques : comprenant la météorologie et la géologie médicales, les lois statistiques de la population et de la mortalité, la distribution géographique des maladies et la pathologie comparée des races humaines. " Tome 1 - Jean-Christian-Marc Boudin - 1857.
" Il y a dans le département des Basses-Alpes, un village appelé Châteauneuf, situé au sommet et à l'extrémité de l'une des premières montagnes des Alpes, qui forment un amphithéâtre sur Moustiers. Il consiste en quatorze maisons réunies au presbytère et à l'église paroissiale, sur une éminence coupée par les angles de deux autres montagnes, l'une au levant, l'autre au couchant. L'intervalle qui sépare le village de la montagne du levant est si étroit et si profond, que l'aspect en est effrayant. 105 habitations sont dispersées en hameaux, presque toutes sur le penchant de la montagne du levant et forment une population de 500 âmes.
Le 11 juillet 1819, jour de dimanche, M. Salomé, curé de Moustiers et commissaire épiscopal se rendit à Châteauneuf pour y installer un nouveau recteur. Vers les deux heures et demie, ou se rendit en procession de la maison curiale à l'église. Le temps était beau, on remarquait seulement quelques gros nuages. La messe fut commencée par le nouveau recteur. Un jeune homme de dix-huit ans qui avait accompagné le curé de Moustiers, chantait l'épître, lorsqu'on étendit trois détonations de tonnerre qui se succédèrent avec la rapidité de l'éclair.
Le missel lui fut enlevé des mains et mis en pièces ; il se sentit lui-même serré étroitement au corps par la flamme qui le prit tout de suite au cou. Ce jeune homme, qui avait d'abord jeté de grands cris, ferma la bouche, fut renversé, roulé sur les personnes rassemblées dans l'église, qui toutes avaient été terrassées, et jeté ainsi hors de la porte.
Le curé fut trouvé asphyxié et sans connaissance. On le releva, on éteignit la flamme de son surplis, et l'on parvint à le rappeler à la vie environ deux heures après. Il vomit beaucoup de sang. Il assure n'avoir pas entendu le tonnerre, et n'avoir rien su de ce qui se passait. Le fluide électrique avait touché fortement la partie supérieure du galon d'or de son étole, coulé jusqu'au bas, enlevé un de ses souliers qu'il porta à l'extrémité de l'église et brisé la boucle de métal.
Ses blessures n'ont été cicatrisées que deux mois après. Il avait une eschare de plusieurs travers de doigt à l'épaule droite ; une autre s'étendait du milieu postérieur du bras du même côté jusqu'à la partie moyenne et extérieure de l'avant-bras; une troisième eschare profonde partait de la partie moyenne et postérieure du bras gauche, et allait jusqu'à la partie moyenne de l'avant-bras du même côté, une quatrième plus superficielle et moins étendue au côté externe de la partie inférieure de la cuisse gauche ; et une cinquième sur la lèvre supérieure jusqu'au nez. Il a été fatigué d'une insomnie absolue pendant près de deux mois ; il a eu les bras paralysés, et il souffre des différentes variations de l'atmosphère.
Un jeune enfant fut enlevé au bras de sa mère et porté à six pas plus loin ; on ne le rappela à la vie qu'en lui faisant respirer le grand air. Tout le monde avait les jambes paralysées. Les femmes, échevelées, offraient un spectacle horrible. L'église fut remplie d'une fumée noire et épaisse ; on ne pouvait distinguer les objets qu'à la faveur des flammes des parties de vêtements allumées par la foudre. Huit personnes restèrent sur place ; une fille de dix-neuf ans fut transportée chez elle sans connaissance ; elle expira le lendemain, en proie à des douleurs horribles, à en juger par ses hurlements de sorte que le nombre des personnes mortes est de 9 ; celui des blessés est de 82. Le prêtre célébrant ne fut point atteint. Tous les chiens qui étaient dans l'église furent trouvés morts dans l'attitude qu'ils avaient.
Une femme qui était dans une cabane, sur la montagne de Barbin, au couchant de Châteauneuf, vit tomber successivement trois masses de feu qui semblaient devoir réduire ce village en cendres. Il paraît que la foudre frappa d'abord la croix du clocher qu'on trouva plantée dans la fente d'un rocher, à une distance de 16 mètres ; elle pénétra ensuite dans l'église par une brèche qu'elle fit à la voûte, à la distance d'un demi-mètre de celle par où passe la corde d'une cloche ; la chaire fut écrasée. On trouva dans l'église une excavation d'un demi-mètre de diamètre, prolongée sous les fondements du mur jusque sur le pavé de la rue, et une autre qui rentrait sous les fondements d'une écurie, où l'on trouva morts cinq moutons et une jument. On sonnait les cloches quand la foudre tomba sur l'église. "

À présent, nous sommes sur le point le plus haut. Du donjon médiéval il ne reste rien ou presque. Malgré un ciel menaçant, nous nous attardons là pour profiter d’une vue à 360°. Un coup d’œil sur nos smartphones nous rappelle qu’aujourd’hui encore Châteauneuf-les-Moustiers est coupé du monde.

Nous descendons, quelques pas et nous nous retrouvons dans ce qui devait être la rue principale du village. Elle est étroite est envahie pas la végétation. Des maisons de village beaucoup se sont effondrées, ici et là les traces d’un escalier ou d’une cheminée qui, il y a longtemps, a noirci un mur. Les arbres ont poussé nous rappelant que ce que nous observons aujourd’hui ne sera plus là demain. Petit à petit le temps et la nature font leur travail. Quelques goûtes d’eau tombées du ciel nous ramène au temps présent. Le moment est venu de retourner à la voiture.

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